PARTICUL’AIR : Etude inter‐régionale de la pollution particulaire en zone rurale

Publié le 1 août 2011

Description

Le grenelle de l'environnement a fixé des objectifs liant la qualité de l'air et le développement des énergies renouvelables : d'une part, une réduction de 30% des niveaux de particules dans l'air ambiant d'ici à 2015, d'autre part atteindre l’objectif de 20% (voire 25%) d’énergies renouvelables (énergie finale) en 2020 dans l’offre énergétique française.

La France est le premier pays consommateur de bois‐énergie en Europe, essentiellement grâce au chauffage domestique qui représente une consommation annuelle de 7,3 millions de TEP. En 2007, le comité opérationnel « énergies renouvelables» du Grenelle de l’environnement, estimait qu’il conviendrait de viser un total de 7.2 Mtep de biomasse pour les secteurs collectifs et industriels. La filière bois est aujourd'hui la principale source de biomasse consommée.

Concernant la qualité de l'air, la combustion de biomasse à des fins de chauffage représente, à l'échelle nationale et selon les évaluations actuelles, 21% des émissions totales de particules PM10, 34% des PM2.5 et 66 % des HAP (source CITEPA, inventaire national 2009).

La loi‐programme issue du Grenelle prévoit un volet «air» permettant de s’assurer du respect des objectifs liés à la qualité de l’air ambiant. En particulier, le projet de dispositif de lutte contre la pollution particulaire cible les 4 principaux secteurs responsables des sources d’émissions primaires (domestique, industriel, transports, agricole). Il se décline au travers d’actions concrètes, comme la réforme du crédit impôt « développement durable » visant un haut niveau de soutien (40% au lieu de 25% en 2010) pour le remplacement des appareils de chauffage anciens par des appareils beaucoup plus performants sur le plan énergétique et environnemental.

Il est important de noter que les problèmes de qualité de l'air sont souvent liés à la proximité géographique des sources d'émissions. Afin d'atteindre de façon cohérente les objectifs de qualité de l'air et développement du bois‐énergie, il apparaît donc nécessaire de pouvoir quantifier localement les contributions des différentes sources, dont la combustion de biomasse et les autres sources anthropiques, sur les niveaux de particules et de HAP réellement observés.

La quantification de l’influence des sources d'émissions de particules et de HAP sur la qualité de l’air peut être abordée par une description de la composition des particules et par la recherche de traceurs de sources ou de signatures chimiques caractéristiques. La caractérisation chimique des PM s’appuie également sur la confrontation de la caractérisation obtenue en atmosphère ambiante avec celles obtenues à l’émission des principales sources, que ce soit via des données dans la littérature
ou via des études spécifiques. Les études réalisées en Europe à ce jour identifient généralement quatre sources majeures pour les PM10 et PM2.5 : les transports routiers, la remise en suspension des particules du sol, les différentes sources de combustion, et les processus de formation des aérosols secondaires. A ces sources principales peuvent s’en ajouter d’autres selon les typologies des sites de mesure (embruns marins, émissions agricoles, …). Ces différentes contributions peuvent varier fortement selon les sites étudiés.

Depuis quelques années, un certain nombre de programmes de mesure a été mené en France pour considérer la chimie des PM avec la volonté d’en déduire les origines. La majorité de ces programmes a pris place dans des zones urbaines : ESCOMPTE (Marseille), Capitoul (Toulouse), MEGAPOLI (Paris), FORMES (Grenoble et Marseille),… Certains ont été conduits dans des zones plus spécifiques (sites d’altitude via le programme d’observatoires PAES, vallées Alpines (POVA),…). Bien que quelques‐uns de ces programmes aient comporté des mesures sur sites ruraux, notre connaissance des caractéristiques des PM pour ce type de milieu et de l’impact sur les teneurs atmosphériques de l’ensemble des sources diffuses de combustion de biomasse (foyers ouverts, appareils individuels anciens (avant 2004), combustion déchets verts (jardins), écobuage, brûlage de déchets de l'industrie/artisanat local…), mais également des autres sources anthropiques reste encore très faible. La littérature (par exemple les résultats du programme FP7 CARBOSOL) donne cependant des indications intéressantes. Ainsi, il apparaît qu’en zones rurales, les particules sont issues d’un ensemble de sources diffuses appartenant à l’ensemble des sources mentionnées. Une spécificité de ce type de milieu est aussi que la part des particules liées à une combustion est fortement représentée en période hivernale par le chauffage des logements, en particulier par la combustion du bois.

Le programme Particul’Air a été proposé afin d'améliorer la connaissance des niveaux de concentrations et des sources de particules et de HAP dans ces zones rurales, encore très peu investiguées en France. Les objectifs plus spécifiques sont :

  • d’une part de caractériser la pollution particulaire (niveaux, composition chimique, évolutionannuelle, particularités régionales…),
  • d’autre part d’étudier l’influence dans ce type de milieux des différentes sources de particules ; un intérêt particulier est porté à ce titre à l’étude des traceurs du chauffage au bois, source potentiellement importante de particules et de HAP.

In fine, les résultats ont vocation à guider au mieux les pouvoirs publics en ce qui concerne les types de zones rurales pour lesquelles des actions sur les émissions de particules et HAP sont nécessaires, et dans ce cas, sur les sources à l'origine des niveaux de polluants observés.

La méthodologie proposée présente l’intérêt de coordonner, pour la première fois, des travaux d'observation et de caractérisation de la pollution particulaire en milieu rural dans huit régions en utilisant des protocoles et des calendriers identiques. Cette coordination, assurée par l’ADEME, a été permise par le travail commun sur l’ensemble des étapes du projet de 8 AASQA (Airbreizh, Airaps, Aircom, Atmo Auvergne, Atmo Franche‐Comté, Atmo Poitou‐Charentes, Lig’Air, Limair) et de deux laboratoires de recherche (LCME et LGGE). En particulier, cette large collaboration inter‐AASQA a permis de prendre en compte un nombre important de sites de mesure, assurant à travers le nombre des campagnes et la diversité des sites la représentativité de l’étude.

Les sites de mesures ont été choisis selon des critères communs sur 9 communes rurales allant de l’ouest à l’est de la France. Ils ont fait l’objet de mesures horaires de particules et de 10 campagnes de 7 prélèvements journaliers menées simultanément sur les neufs sites de mars 2009 à février 2010. La diversité des analyses réalisées permet la caractérisation chimique des particules et l’étude des sources.

La base de données constituée des mesures réalisées présente une ampleur extrêmement importante, portant sur l’analyse de plus de 900 filtres ; elle est à ce jour l’une des bases européennes de ce type les plus conséquentes. Elle a permis de conduire des études basées sur l’approche Chemical Mass Balance (CMB) sur une partie des campagnes, afin de proposer des quantifications de l’influence des différentes sources sur les concentrations en particules.

Des travaux complémentaires de caractérisation des sites de prélèvement ont également été menés, avec entre autres la réalisation d’une enquête sur les pratiques de chauffage résidentiel sur les communes de l’étude. A partir des résultats de l’enquête et de statistiques locales, un inventaire d’émissions de particules, spécifique à l’étude, a été élaboré sur les neuf communes concernées. L’inventaire d’émission a montré l’importance sur ces communes des émissions du secteur agricole pour les particules les plus grosses, et celui du chauffage au bois pour les particules les plus fines. La part du bois consommé en appoint a été précisément définie ici grâce aux enquêtes locales ; sa prise en compte double en moyenne les quantités de bois consommées, faisant ressortir les lacunes qui peuvent exister sur les inventaires qui ne prennent pas ou mal en compte cette source souvent difficile à estimer. L’enquête locale a également permis d’identifier le type d’appareil utilisé et la qualité du combustible.

Les mesures des polluants réglementés (PM10, PM2.5, Benzo(a)Pyrène et métaux lourds) montrent que les concentrations ne sont généralement sans doute pas problématiques au regard des normes, sauf sur le site de Lescheraines localisé en fond de vallée en région Rhône‐Alpes, tant pour les particules que pour le Benzo(a)pyrène. L’étude des profils verticaux de température sortis de Arome(1) met bien en évidence l’influence possible des inversions de température à Lescheraines dans le cas d’épisodes de particules et Benzo(a)Pyrène. Les mesures chimiques montrent que la matière organique est en moyenne quasi systématiquement la composante majeure et sa part augmente assez nettement en hiver surtout sur les sites « influencés ». Par contre, on observe systématiquement une très large augmentation des ions nitrate, ammonium, et sulfate pendant les épisodes de fortes concentrations de PM10. Seul Lescheraines se distingue, avec une très nette augmentation de la fraction de matière organique lors de tels épisodes. De forts couplages ont été observés avec les paramètres météorologiques, avec un large impact de la température sur les concentrations des ions nitrate, ammonium (et sulfate dans une moindre mesure) ou sur les concentrations de lévoglucosan.

Bien que la comparaison à la réglementation européenne ne soit pas possible compte tenu d’une représentativité temporelle des mesures non conforme à ce qu’imposent les directives européennes, on observe que :

‐ la mesure des particules et du BaP indique qu’il n’y a pas de problématique de pollution d’ampleur nationale en zone rurale liée à l’utilisation du bois comme source d’énergie, puisque pratiquement tous les sites respectent les valeurs réglementaires définies, à l’exception de Lescheraines (Rhône‐Alpes).
‐ il parait en revanche quasiment improbable que ce dernier site respecte la valeur cible pour le BaP, tant les niveaux de concentrations peuvent être élevés. La caractérisation chimique des particules sur Lescheraines indique en l’état que la combustion du bois est la principale source des émissions mais n’a pas permis de définir la part de responsabilité entre le secteur industriel et domestique (notamment le chauffage au bois et le brûlage de déchets par l'artisanat et les populations locales). Ce cas de Lescheraines met en exergue la nécessité de mieux connaître la situation des "petits émetteurs" industriels, nombreux et disséminés sur le territoire, vis‐à‐vis du contexte réglementaire des émissions ou en vue d'une action des pouvoirs publiques plus ciblée. A ce titre, la représentativité de ce site par rapport aux sites de fond de vallée est une question qui reste ouverte.

Le nombre et la répartition des sites permettent de faire apparaître des phénomènes de grande échelle tels que des épisodes très corrélés entre les sites pour les nitrates, sulfate et ammonium, l’augmentation des concentrations de EC et OC d’Ouest en Est ou à contrario, la diminution spectaculaire des concentrations des espèces marines selon un transect ouest‐est.

Des outils ont été mis en oeuvre pour tenter de déterminer les contributions des sources primaires à la constitution des PM10 à travers des approches de type « CARA » puis CMB. Ils ont permis de montrer que la part des sels marins représente de 1 à 16% de la masse des PM10, avec une forte décroissance d’ouest en est. Les estimations de la part crustale sont diffèrentes selon la méthodologie employée ; elle est en moyenne de 4% de la masse des PM10 avec la méthode basée sur les concentrations de calcium soluble et de 15% avec celle basée sur les métaux. Pour tous les sites, l’influence de la combustion de biomasse est très supérieure à celle des sources véhiculaires dans l’apport de matière organique; en revanche la source véhiculaire est très dominante pour la contribution en EC. Ces résultats sont confirmés par la mise en oeuvre d’une approche qualitative ratio/ratio, réalisée à partir des HAP et hopanes normalisés par l’EC. Enfin, l’approche CMB mise en oeuvre à partir des méthodologies développées dans le programme FORMES, a permis d’élargir et d’affiner le panel des sources étudiées. Les contributions de ces sources sont variables suivant les campagnes et les sites, mais on retiendra que les sources primaires anthropiques telles que la
combustion de biomasse et les émissions véhiculaires peuvent contribuer assez fortement aux niveaux moyens des concentrations des PM.

Une partie du travail a consisté à étudier plus en détails une quinzaine d’épisodes spécifiques, choisis généralement sur la base des valeurs de PM10. Beaucoup de ces épisodes se révèlent être associés à des origines marines ou encore caractérisés par de fortes concentrations d’espèces ioniques secondaires (nitrate, sulfate, ammonium). D’autres sont liés à des augmentations de la part de matière organique, dont la plupart présente des caractéristiques typiques liées à des processus de vieillissement. Cependant l’étude de la matière organique a permis de mettre en évidence l’influence de phénomènes locaux sur l’avènement de certains de ces épisodes.

Finalement, de nombreuses pistes sont proposées pour une valorisation plus complète du très gros travail effectué. Ces pistes incluent des actions en relation avec les inventaires d’émissions, des propositions pour une exploitation plus poussée de la base de données actuelle (travaux sur les métaux, travail statistique plus précis, …), des développements de la quantification d’autres traceurs organiques dans les analyses acquises, ou des activités pour mieux caractériser l’influence de la météorologie (via des études de rétrotrajectoires ou de couche d’inversion). Un autre volet de propositions concerne la valorisation de cette base de données en liaison avec des travaux de modélisation déterministe, et ces actions semblent particulièrement pertinentes eu égard au jeu de données disponibles et aux informations qui ont été mises en avant par l’étude actuelle. Une série de propositions est liée à la valorisation scientifique du travail, qui semble indispensable dans le contexte européen. Finalement quelques pistes sont dégagées montrant l’intérêt que pourraient avoir de nouvelles campagnes de mesure, avec des objectifs spécifiques déduits des constatations de ce travail.

(1) Application de la Recherche à l'Opérationnel à Mésoéchelle, Modèle prévisioniste de Météo‐France sur une maille de 2,5 km

 

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